Les deux réalisateurs ont réussi à faire aboutir le film tant bien que mal, mais, malheureusement, l’œuvre hésite à trouver son équilibre et sa justesse au niveau de la direction d’acteurs.
La Presse — Le sujet de la danse n’a jamais été traité dans le cinéma tunisien, même si dans le film « Backstage » (Coulisses) il ne s’agit que d’un prétexte pour évoquer les relations sentimentales et psychologiques entre les individus. Afef Ben Mahmoud, qui s’est initiée à la danse depuis sa tendre enfance avant d’entreprendre une carrière d’actrice interprétant des rôles au cinéma et à la télévision, connaît intimement le domaine.
Dans « Backstage », elle campe le rôle principal de Aïda, danseuse étoile dans une troupe composée d’une dizaine de danseurs tunisiens, marocains et algériens. Lors d’une représentation dans un théâtre au Maroc, Hédi, son collègue et compagnon, la lâche par terre, ce qui lui occasionne des blessures à la jambe et à la hanche. La tournée, qui va s’achever le lendemain à Marrakech, est compromise, ce qui crée un malaise au sein de la troupe. Aïda sera-t-elle capable d’assurer ses engagements ou pas? Mais encore faut-il lui trouver un médecin pour diagnostiquer la blessure et la soigner. Le film commence par une très longue séquence de la représentation du spectacle. La chorégraphie appréciable est bien menée par des danseurs professionnels. Après l’incident qui a eu lieu vers la fin du spectacle, les membres de la troupe s’affolent et tentent de chercher un médecin pour Aïda rongée par la douleur. Mais il fait nuit et il est difficile de trouver du secours. Les danseurs regagnent le bus en direction d’une ville proche mais, en traversant une forêt, le véhicule tombe en panne. Les deux roues sont amochées et la troupe est condamnée à attendre les secours dans cette forêt hostile.
Au cours de cette attente, les destins des danseurs se croisent et les confidences et les rapports tumultueux qu’entretiennent les uns avec les autres surgissent au milieu de cette nuit dans une forêt peu propice où les bruits des animaux : singes et autres oiseaux de mauvais augure créent une ambiance inquiétante. Certains vont devoir prendre une décision quant à l’avenir de leur couple, d’autres évoquent leurs familles disparues l’une au cours de la décennie noire en Algérie et l’autre lors du Covid. Toutes ces évocations sont agrémentées de scènes de danse improvisées par certains membres de la troupe pour faire, sans doute, rejaillir la charge de douleur et évacuer les démons qui les rongent. L’utilisation de la souplesse des corps se confond avec la rigidité des arbres offrant une belle composition.
Le rythme lent et l’éclairage sombre, même si ces deux éléments sont propices aux confidences, dégagent une ambiance lourde et ennuyeuse. A la fin de ce parcours en dents de scie, le jour se lève, les danseurs sont recueillis par leurs amis marocains. Le médecin ausculte la jambe de Aïda. Ensuite après cette escale, la troupe regagne le bus direction Marrakech. Mais Aïda pourra-t-elle remonter sur scène ?
Le sujet est intéressant mais le traitement scénaristique manque de profondeur et d’étoffe et reste par moments assez scolaire. L’impression de rentrer dans les « coulisses » de la vie des personnages reste vague. Sans renier l’effort du tandem : Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane qui ont réussi à faire aboutir le film tant bien que mal; malheureusement, l’œuvre hésite à trouver son équilibre et sa justesse au niveau de la direction d’acteurs qui est hésitante et parfois maladroite et à donner sens au propos. On ne sait pas si la danse est une catharsis ou un révélateur, de malaise. Toutefois, on ne peut que saluer ce premier cru fruit d’une coproduction tuniso-franco-marocaine.